La presse est un secteur symbolique car perçu, à tort ou à raison, comme le garant de la liberté d’expression. En France, où les titres de presse ont été structurés depuis la Libération par des règles favorisant leur indépendance financière et leur distribution uniforme sur le territoire, cela fait plus de vingt ans que l’on parle de « crise de la presse ». Il s’agit en réalité d’une mutation à grande échelle du traitement et de la diffusion des informations. Toutes les formes de presses sont concernées, à des degrés divers : la presse spécialisée, la presse magazine, la presse régionale, la presse quotidienne nationale, les agences de presse, etc.
L’érosion progressive de la diffusion papier, les difficultés du développement vers le numérique, la captation des revenus publicitaires par les géants du web, l’arrivée sur le marché d’acteurs 100% numériques (« pure players »), mais aussi la concurrence des agrégateurs de contenus, des réseaux sociaux ou encore de la communication directe institutionnelle sont les principales causes de la complexité de l’industrie de presse qui a du mal à se projeter dans l’avenir. La crise sanitaire de 2020 a amplifié ces phénomènes, en précipitant le démantèlement du distributeur Presstalis (devenu France Messagerie au prix de plus de 500 suppressions d’emploi) et des inquiétudes pour de nombreux titres, notamment en presse quotidienne (Paris-Normandie, La Marseillaise, L’Équipe, Le Parisien, etc.). Ce qui est sûr, c’est que la réalité du secteur a évolué, et que les salarié·e·s doivent en tenir compte dans leurs revendications quotidiennes.
Fragilisé·e·s par le contexte d’entreprises prétendument en difficulté financière, assommé·e·s par la demande des directions de fournir toujours plus de travail, précarisé·e·s par les contrats précaires et par les faibles salaires, angoissé·e·s par le chômage, les salarié·e·s du secteur sont en plus accusé·e·s publiquement d’être complices du formatage des publications, voire d’être serviles vis-à-vis du pouvoir politique et économique ! Dans cette situation, il est nécessaire de se concentrer sur la défense les intérêts collectifs, à commencer par les conditions de travail.
Malgré les opérations de concentration très médiatisées dans la presse quotidienne ou magazine grand public, les salarié·e·s de la presse aujourd’hui sont majoritairement issu·e·s de petites et moyennes entreprises. Dans ce type de structures, où tout le monde se connaît et où chacun·e a peur pour la pérennité de son emploi, il n’est plus question de réfléchir comme autrefois. Les cadres, les journalistes (notamment les pigistes), les commerciaux·ales et VRP, les ouvrier·ère·s, les employé·e·s, toutes et tous ne demandent qu’à se fédérer pour peser sur les choix quotidiens de l’employeur : salaires, pratiques professionnelles, temps de travail, innovation éditoriale, développement de la diffusion, des partenariats, etc.
Les principales orientations pour la presse, votées au IIIe congrès d’Info’Com-CGT, sont les suivantes :
Les liens d’interdépendance qui nous unissent dans le travail sont multiples. Ceux qui nous unissent dans nos conditions de travail et de rémunération sont tout aussi nombreux, mais ils semblent beaucoup moins visibles en raison de leur individualisation toujours plus poussée. Toutes les décisions qui nous concernent sont évaluées, chiffrées et validées par l’employeur, en tenant compte des conséquences et des effets que chaque décision, que chaque stratégie auront les unes sur les autres. La difficulté pour les travailleuses et les travailleurs est que ces conséquences sont différées dans le temps et que les réactions manquent de coordination. La défense commune et collective reste, selon nous, le meilleur moyen de défendre l’ensemble du monde du travail, quel que soit le statut.
Tout au long de son histoire, le syndicalisme en tant que défense des intérêts des salarié·e·s a démontré son efficacité. Les droits aux congés payés et la baisse du temps de travail, pour ne citer que les plus connus, sont systématiquement issus de luttes sociales collectives. Toutefois, le syndicalisme est multiple. Celui que nous défendons s’appuie sur une analyse et sur un projet. La richesse produite n’est pas correctement répartie, les services publics sont peu à peu confiés à des intérêts privés et constituent des rentes commerciales. La pauvreté, y compris des personnes en activité, augmente.
Se syndiquer, c’est aujourd’hui pouvoir se former tout au long de sa vie et acquérir tous les outils nécessaires afin d’exercer son mandat d’élu·e avec les compétences requises pour être capable d’analyser la situation financière d’une entreprise, de connaître et savoir utiliser les différentes techniques de communication, notamment dans le cadre d’une négociation collective. Dans le domaine du droit social, forte de son histoire et de son attachement à l’éducation populaire, la CGT a développé un parcours de formation s’appuyant sur la pédagogie actionnelle, permettant à tout·e salarié·e motivé·e de devenir conseiller·ère du ou de la salarié·e, défenseur·seuse syndical·e ou même conseiller·ère prud’homal·e.
Les revendications portées dans les entreprises s’appuient sur les savoirs mutualisés et sur les analyses construites par les syndiqué·e·s et portées par le ou la délégué·e syndical·e.
Les employeurs veulent et peuvent, grâce aux récentes dispositions comme la loi travail (2016) ou les ordonnances Macron (2017), établir des accords moins favorables aux accords existants au niveau de la branche, faisant le pari de la méconnaissance ou du désintérêt pour la négociation collective dans l’entreprise.
Le manque de formation des mandaté·e·s, quand il y en a, et le chantage à l’emploi rendent difficiles le renversement de cette tendance au moins-disant social.
Certaines égalités pourraient attendre indéfiniment. Celle sur l’égalité homme-femme n’en finit plus d’être reportée. La revalorisation des salaires et des cotisations sociales n’est pas un frein,
y compris pour les petites structures, c’est la concurrence déloyale du marché qui crée leur vulnérabilité. L’action collective doit être efficace et peut se solder par la négociation et par la signature d’accords favorables à la hausse des salaires et à l’amélioration des conditions de travail. Ainsi, dans toutes les entreprises bénéficiant d’une représentativité syndicale, la négociation annuelle sur les salaires est obligatoire. C’est le moment de défendre votre niveau de vie. Nous pouvons vous aider !
Alors que les perspectives sociales et économiques sont très inquiétantes pour les mois et les années à venir, le droit à l’information réelle et à une analyse de la situation économique de l’entreprise ou de la filiale devrait être accessible à tout·e salarié·e, quelle que soit la taille de l’entreprise. La création artificielle de sociétés de moins de 50 salarié·e·s pour s’exonérer des obligations en matière d’informations stratégiques, financières et sociales empêche les représentant·e·s du personnel et les salarié·e·s d’analyser la situation réelle de l’entreprise, alors que celles-ci bénéficient d’aides publiques, alors que pèsent sur eux une pression considérable, et alors même que, selon la Constitution, « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises » (alinéa 8 du préambule de 1946).
Les premiers résultats de l’enquête sur le télétravail menée par la CGT démontrent la nécessité de défendre un accord qui responsabilise et qui répartit les bénéfices du télétravail, notamment par la prise en charge, prévue par la loi, de ses coûts (moyens de production, réseaux, énergie, consommables, etc.).
Autoriser des licenciements ne doit pas être possible. Si les actionnaires ou employeurs ne peuvent plus être exonérés de leur responsabilité environnementale, ils ne peuvent pas davantage échapper à leur responsabilité sociale. Si les employeurs ne sont pas responsables de la crise sanitaire de 2020, le monde du travail non plus. C’est à ce titre que les sociétés les plus prospères et celles qui ont profité de la crise pour se réorganiser et faire des économiques sur le dos des salarié·e·s devraient avoir l’obligation d’abonder un fonds de soutien aux petites entreprises, victimes par ailleurs de la position dominante et de la concurrence déloyale des premières.