Info’Com-CGT quitte X, et après ?
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Le 20 janvier 2025, jour de l’investiture de Donald Trump, 86 associations et syndicats avaient coordonné leur sortie de la plateforme X (ex-Twitter), propriété de l’homme le plus riche du monde, Elon Musk, idéologue et financeur de l’extrême droite.
Lors de sa réunion mensuelle du 17 janvier 2025, la direction exécutive collégiale du syndicat Info’Com-CGT, a voté pour la sortie de X. Toutefois, cette sortie est loin de se suffire à elle-même et il a paru indispensable d’accompagner cette décision d’un travail de réflexion sur les dérives des réseaux sociaux et sur notre manière de porter nos valeurs progressistes et anticapitalistes dans un environnement dominé par des logiques commerciales et une information biaisée.
Récemment, avec le soutien décomplexé du propriétaire de X à l’extrême droite, notamment en Europe, un nouveau seuil dans la propagande fasciste semble franchi, dans lequel politiques, médias, intellectuel·les et patronat vont continuer de s’engouffrer, procédant ainsi à la fascisation des esprits. Une violence amenée à produire des effets dans tous les aspects de notre vie au travail.
Notre décision de quitter X ne peut être qu’un premier pas, mais elle ne suffira pas, à elle seule, à changer en profondeur les rapports de pouvoir qui régissent aujourd’hui les modes de communication. Voici le chemin que nous envisageons désormais.
1. Sortir de X ne nous fait sortir ni du capitalisme, ni de notre dépendance aux réseaux sociaux
En dépit de leur potentiel à diffuser des idées progressistes et de rassembler des mouvements anticapitalistes, les réseaux sociaux restent avant tout des outils développés et contrôlés par des milliardaires, dans un environnement capitaliste. Sortir de X, c’est aller trouver un autre milliardaire. Les dernières déclarations du propriétaire de Meta (Facebook, Instagram, WhastsApp), Mark Zuckerberg, ont confirmé ce constat, avec la fin du fact-checking perçu comme un frein aux « énergie masculines ».
Sur ces plateformes, la logique de rentabilité prime sur celle de liberté d’expression. La domination de grandes entreprises privées sur ces espaces virtuels soulève une contradiction majeure : nous utilisons des outils créés par ceux que nous combattons, des acteurs du capitalisme qui, en monopolisant l’attention des utilisateurs, orientent les débats et réduisent la possibilité d’une véritable contestation du système.
Ainsi, diffuser des idées progressistes et anticapitalistes sur des plateformes détenues par des milliardaires soulève la question de la cohérence de notre engagement. Ces mêmes plateformes nous enferment dans un cadre où l’objectif commercial prime sur le bien commun, et où les idéaux de justice sociale, de solidarité et d’égalité peuvent être marginalisés par des logiques de rentabilité ou de censure politique. Si nous ne pouvons pas totalement échapper au capitalisme dans nos pratiques quotidiennes, il est de notre responsabilité de questionner les outils qui nous sont proposés, et d’agir en conséquence pour préserver notre indépendance et notre ligne politique. Des stratégies de contournement et de double langage se développent pour pouvoir traiter certains sujets sans voir son post bloqué.
2. Les dérives de la captation des données personnelles et les risques pour notre liberté d’expression
Quitter X ne règle pas non plus le problème de la captation massive de nos données personnelles, ni celui de la manipulation des informations qui transitent par ces plateformes. L’exploitation commerciale des données des utilisateurs est un sujet qui mérite toute notre vigilance. Chaque action, chaque publication, chaque « like » que nous émettons sur les réseaux sociaux est une donnée précieuse pour les entreprises qui exploitent ces plateformes dans un objectif mercantile. Ces données sont utilisées pour nourrir des algorithmes qui, non seulement influencent nos choix et opinions, mais peuvent également être utilisées contre nous.
Le modèle économique de ces plateformes repose sur la privatisation de nos vies numériques, avec des conséquences dramatiques pour notre liberté d’expression. La manière dont nos idées sont collectées, stockées et manipulées par des acteurs privés soulève des questions fondamentales sur l’autonomie de nos actions et sur le contrôle que nous avons sur nos discours. Si l’on veut défendre une véritable liberté d’expression, il devient crucial de s’interroger sur les moyens dont nous disposons pour communiquer sans être soumis à cette surveillance omniprésente. Quitter X doit aussi être accompagné d’une réflexion plus globale sur les alternatives qui nous permettent d’exprimer nos idées de manière indépendante.
3. La nécessité de développer des outils indépendants et alternatifs
Notre départ de X doit s’accompagner d’une réflexion plus large sur les moyens de sortir de la logique de dépendance aux géants du web. Nous devons développer, soutenir et utiliser des outils indépendants qui respectent la vie privée des utilisateurs et qui permettent de créer un véritable espace de liberté pour l’expression des idées. La construction d’alternatives viables et éthiques est essentielle pour garantir que nos messages puissent circuler sans être récupérés ou instrumentalisés par des intérêts privés.
Il est crucial que nous participions à la création et à la diffusion d’outils numériques qui soient véritablement au service du bien commun, et pas sous la coupe d’acteurs privés poursuivant des objectifs commerciaux. Le développement de solutions ouvertes, décentralisées et respectueuses de la vie privée doit aussi s’accompagner d’une sensibilisation pour que la population et celles et ceux à qui nous voulons nous adresser puissent accéder à nos messages. Le risque de l’entre-soi doit aussi nous alerter.
Info’Com-CGT consacrera, dans les prochains mois, un événement autour de ces réflexions et du travail de sensibilisation auprès des adhérent·es autour de ces questions fondamentales.