Réflexions, analyses et orientations issues de notre 2e congrès. Saisissez ici l’occasion de vous exprimer, de donner votre avis, de témoigner ou de faire part de votre expérience en postant un commentaire en bas de cette page.
Les employés, techniciens et agents de maîtrise pâtissent, dans nos secteurs, de conventions collectives beaucoup moins protectrices que celles des ouvriers, des journalistes ou des cadres. Ils constituent pourtant la catégorie la plus importante en termes d’effectifs.
Ainsi, dans la presse écrite, ils totalisaient, en 2010, 40 % des effectifs, estimés par l’Afdas à 80 000 personnes, un chiffre qui dépasse les 50 % en presse régionale, la catégorie des employés devenant même hégémonique dans le portage, l’imprimerie de presse, ou encore le routage. Dans la publicité, toujours en 2010, ils regroupaient 51 % des salariés, sur un effectif d’un peu plus de 100 000 personnes. Dans le labeur, sur un effectif national évalué à 70 000 salariés en 2009, ils étaient 26 % (source Afdas). Dans la convention collective des bureaux d’études techniques, sur 700 000 salariés en 2009, ils étaient 38 % (source Syntec). Enfin, dans l’édition, secteur majoritairement constitué d’encadrants (15 000 salariés selon la synthèse nationale 2012 élections professionnelles), ils sont moins nombreux, la fonction d’employé étant concentrée sur quelques métiers bien précis (correcteurs, lecteurs-correcteurs, maquettistes, techniciens de fabrication, assistants d’édition).
Cette catégorie de salariés, la plus mal payée – souvent peu au-dessus du SMIC –, constitue un laboratoire de l’emploi bradé : peu d’évolution de carrière, des hausses de salaires limitées aux augmentations générales, des départs non remplacés, des postes externalisés, sous-traités, mutualisés, fusionnés ou basculés dans des filiales offshore (standards, services après-vente, services abonnés, bases de données, etc.). De plus, lors de l’externalisation progressive de certains services, les employés doivent former leurs nouveaux collègues, sur place ou à distance, parfois à l’étranger, puis assurer l’interface entre les salariés étrangers et d’autres services de l’entreprise, une charge supplémentaire qui n’est pas valorisée.
Le modèle mis en avant par le patronat, on le connaît : « Attention, des centaines de chômeurs attendent votre place ! ». Ce discours patronal induit une véritable angoisse sur la finalité et sur l’utilité du travail, et décourage les employés, parfois surqualifiés ou très expérimentés, à faire valoir leurs droits. À la clef, une pression sur les salaires, des salariés qui acceptent des temps de transport considérables et des conditions de travail indignes, toute contestation entraînant des situations de harcèlement, voire des licenciements abusifs.
Mal informés sur la formation, présentée par l’employeur comme un luxe inutile, les employés doivent surmonter de nombreux obstacles administratifs pour y accéder. Et lorsque, au retour d’un congé formation, leur nouvelle qualification n’est pas exploitée convenablement, nombreux sont celles et ceux qui se découragent face au mépris de leurs directions. Cela entraîne des décisions hâtives de rupture de contrat, à la plus grande satisfaction des employeurs qui trouvent intérêt à voir se développer des « emplois Kleenex ». Pour accéder à un logement, leurs demandes sont contraintes par la difficulté d’accès au CDI et par un salaire modeste, qui pèse sur leurs droits.
Alors que les situations de troubles dépressifs touchent un salarié sur quatre (source Capital santé), les employés, moins qualifiés et moins payés que les autres catégories de salariés, sont les plus fragilisés. Les stratégies déployées par les employeurs visent à renforcer la précarité et la dépendance sociale des employés. Ainsi, la mise en place d’un salaire variable, fondé sur des éléments quantitatifs ou quali-tatifs, augmente le temps de travail, son intensité, et constitue un chantage à la loyauté des employés envers leurs responsables directs. Ces primes, ersatz d’augmentation, n’améliorent pas le niveau de vie. Elles permettent aussi aux employeurs de maintenir à des fonctions d’employés des salariés exerçant, en réalité, des fonctions de cadres : commerciaux, juristes, responsables logistiques, responsables éditoriaux, rédacteurs techniques, etc. Lorsqu’ils finissent ainsi par exercer des fonctions de cadres, les employés ont toutes les difficultés à se voir reconnaître le statut idoine. Le manque de critères objectifs, le flou dans les fiches de postes et dans les définitions de fonctions, et le doute entretenu sur les réelles conséquences du passage au statut cadre (cotisations supplémentaires, non-prise en compte des heures supplémentaires, charge de travail alourdie, etc.) font hésiter les employés à faire valoir leurs droits.
Fragilisés dans leur embauche, dans leur évolution professionnelle, dans leur éventuel passage au statut cadre, les employés sont aussi soumis à des ruptures de contrat déloyales. Leurs faibles droits en indemnité de licenciement conduisent les directions à présenter comme plus attractives des ruptures de contrat « négociées » ou « amiables ». Au lieu de respecter les procédures légales, lorsque leur présence n’est plus souhaitée, les employés sont victimes de chantage à la rupture conventionnelle, dont les chiffres montrent que, dans 80 % des cas, celle-ci est subie.
Cette rupture conventionnelle se manifeste par une très grande inégalité, tant dans la procédure que dans le montant de l’indemnité. Victimes de désinformation et de pressions patronales, beaucoup d’employés sont incités à ne pas se faire accompagner. Les patrons entretiennent ainsi le flou sur les droits des salariés et sur le montant de l’indemnité. Pour quelques milliers d’euros, on achète alors leur silence sur les conditions réelles du départ. Les employés disposant de faibles revenus ont du mal à faire valoir leurs droits auprès des prud’hommes – le coût et la durée des procédures rendent pratiquement ces démarches inaccessibles.
Face à cette situation, nous devons faire un effort envers cette catégorie de salariés, de plus en plus minoritaire. L’adhésion à un syndicat permet de disposer d’une défense collective et donne accès à des aides matérielles, juridiques, logistiques indispensables à l’amélioration des conditions de travail.