Réflexions, analyses et orientations issues de notre 2e congrès. Saisissez ici l’occasion de vous exprimer, de donner votre avis, de témoigner ou de faire part de votre expérience en postant un commentaire en bas de cette page.
M oins d’un siècle après la Grande Dépression qui, née d’une crise boursière aux Etats-Unis en 1929, avait plongé l’Europe dans la misère, puis dans la guerre, nul ne connaît encore toutes les conséquences de la crise financière dite des « subprimes » de 2008. Croissance zéro, politiques d’austérité d’une violence inouïe, explosion du chômage, montée de l’extrémisme de droite : voilà où en sont l’Europe et notre pays. Une situation propice à la défense des droits sociaux des salariés et à l’activité des syndicats.
Salariés français et européens : culpabilisez ! La « crise » que vous payez au quotidien – de vos emplois, de vos impôts, de la réduction de vos droits à la retraite, de l’avenir incertain de vos enfants malgré vos efforts pour financer leurs études – est bien de votre faute !
Salariés, soyez raisonnables et prenez conscience que vous êtes « trop » : trop payés, trop d’acquis sociaux, trop de services publics, trop de fonctionnaires, trop de vacances, trop jeunes pour envisager votre retraite, trop vieux pour trouver du travail, trop pensionnés en tant que retraités, trop de chômeurs payés à ne rien faire, trop de fainéants, trop de tricheurs pauvres à profiter du système, trop d’étrangers… Et puis, à défaut de culpabiliser, jeunes, salariés, retraités, soyez ouverts sur le monde qui vous entoure et regardez la réalité en face. Votre présent et votre avenir se résument à quelques mots clés qui doivent vous apprendre à réfléchir dans le cadre restreint du « fatal fatalisme » : austérité, dette publique, mondialisation, délocalisations, compétitivité, productivité, efforts, concurrence, rentabilité, flexibilité, réductions… Ces « principes de réalité » livrés en boucle dans les médias s’adressent-ils à ceux qui s’enrichissent quelle que soit la situation économique d’un continent ou d’un pays ? À l’évidence, non !
Ce que leurs médias appellent crises économiques et financières n’ont pas d’effets néfastes pour leurs créateurs. Au contraire, elles les enrichissent. La financiarisation de l’économie demeure un pari gagnant pour les spéculateurs qui misent sur le matériel ou l’immatériel au détriment du développement d’un pays, d’une région, d’une branche productive ou d’une entreprise.
L’humain est une donnée secondaire, voire inexistante, du moment que les bénéfices sont encaissables ou payables à très court terme et que les dividendes sont versés en temps et en heure sur la base d’un taux à deux chiffres décidé dans le temple du capitalisme : le conseil d’administration des grandes entreprises. Pour nous, la défense de l’humain est la valeur fondamentale et la substance de notre engagement quotidien. Nous refusons et combattons leurs algorithmes qui sacrifient l’humain au profit de leurs bénéfices.
Les « investisseurs » de la finance ont à leur disposition des armes de destruction massive pour des régions entières ou des bassins d’emplois : à quoi bon investir dans les outils industriels lorsque mondialisation et délocalisation peuvent être utilisées à l’envi dans un cadre totalement déréglementé qui génère de la misère humaine sur laquelle prospère un retour sur investissement rapide, juteux et assuré.
Quelles solutions peut-on attendre lorsque l’accumulation et le profit deviennent l’alpha et l’oméga d’une pensée primaire et barbare ? Érigé en dogme, le profit immédiat ne respecte rien, saccage la vie des femmes, des hommes et de la planète dans l’enceinte du casino macabre. Tout se vend et tout s’achète en Bourse : start-up, données, produits financiers nocifs, dettes, pétrole, gaz, minerais, immobilier, OGM, conflits, ventes d’armes…
La fameuse loi du marché régie par la Bourse – imposée par une infime minorité sur le postulat du « ni lois ni règles » – dirige le monde et les dirigeants des pays pourtant élus démocratiquement. Pour que cette folie contre la vie, contre nos vies, perdure, vous parlez de crise. Nous rétorquons : plein-emploi et partage des richesses.
Cette fuite en avant spéculative organisée pour garantir le plus rapidement possible des profits à deux chiffres pour les actionnaires a des conséquences désastreuses : menaces sur l’environnement pour les générations futures, chômage, austérité, précarité, pauvreté, famines, résurgence de l’extrême droite, guerres, etc. Les idéologues et bénéficiaires de la conservation de ce système – gouvernements à la solde des financiers, grands industriels propriétaires de pratiquement l’ensemble des médias, lobbys, experts ou économistes ou éditorialistes cautions du système, etc. – disposent de moyens colossaux.
Malgré le flot ininterrompu de données, de chiffres, de pourcentages, de sondages, d’articles de presse sur les « réformes » et les « efforts importants » à engager pour le plus grand nombre afin de combler les effets de la « crise », il est pratiquement impossible d’accéder à des éléments concrets permettant de connaître le coût réel de la crise économique et financière depuis son origine.
Ces milliers de milliards de dollars ou d’euros qui s’évanouissent dans la spéculation, les dividendes, l’évasion fiscale, la rente, la corruption, etc. ne font pas la une des médias. De temps à autres, quelques « affaires » surgissent pour que le mythe d’une information libre à l’ère d’Internet devienne plausible et que la vindicte populaire se concentre sur tel ou tel sacrifié du système.
L’information est plus que jamais un combat lorsque l’injustice devient la seule loi qui régit le monde. Les injustices s’accumulent pour les plus faibles et les familles aux revenus moyens qui, il y a peu, pouvaient encore vivre dignement du fruit de leur travail. Les germes de la révolte s’enracinent un peu plus chaque jour dans l’esprit d’une population tirée vers le bas par les médias de masse et gagnée par des formes de contestation dont nous devons tenir compte, même si elles ne répondent pas toujours aux préoccupations de la majorité des salariés.
Le documentaire de Marc Roche et de Jérôme Fritel, Goldman Sachs, la banque qui dirige le monde, permet de saisir le fonctionnement mortifère de la spéculation financière qu’incarne cette banque d’affaires : « Plus qu’une banque, Goldman Sachs est un empire invisible riche de 700 milliards d’euros d’actifs, soit deux fois le budget de la France. Un empire de l’argent sur lequel le soleil ne se couche jamais, qui a transformé la planète en un vaste casino, pariant sur tout et n’importe quoi pour engranger toujours plus de profits. Grâce à son réseau d’influence unique au monde et son armée de 30 000 moines banquiers, Goldman Sachs a su profiter de ces cinq années de crise pour accroître sa puissance financière, augmenter son emprise sur les gouvernements et bénéficier de l’impunité des justices américaines et européennes. La banque qui dirige le monde est un pouvoir qui ne connaît aucune frontière, ni aucune limite et menace directement les démocraties. »
Les requins de la finance peuvent aussi se dévorer entre eux ! La banque Goldman Sachs n’a pas hésité à ruiner ses riches clients ou confrères en leur proposant d’investir sur des produits financiers – Abacus, pierre angulaire de la crise des « subprimes » – alors que, dans le même temps, elle spéculait sur la baisse de ceux-ci. La banque d’affaires est largement responsable de la crise mondiale qui sévit depuis 2008. Deux poids, deux mesures : elle a été condamnée à verser une simple amende de 550 millions d’euros, l’équivalent de deux semaines de ses profits, 3 % de l’enveloppe de primes qu’elle avait distribuées en 2009.
La véritable facture de cette « crise », ce sont les contribuables et les salariés qui n’ont pas fini de la payer. Selon la Commission européenne, les aides d’État approuvées dans l’Union européenne pour le secteur financier, qui ont misé l’argent des petits épargnants sur des produits toxiques dans le cadre d’une spéculation effrénée, ont atteint 1 600 milliards d’euros entre 2008 et 2011, soit 13,6 % du produit intérieur brut (PIB).
Malgré ce sauvetage gigantesque réalisé sur le dos du citoyen en termes d’impôts ou d’emploi, un rapport de l’Organisme de coopération et de développement économique (OCDE) vient de faire état d’un manque de fonds propres du Crédit Agricole évalué à 31,5 milliards d’euros (un peu moins de 40 % du total européen). Cela prouve que le niveau de risque spéculatif initié par cette banque en amont de la « crise » et après le renflouement des banques menace, non seulement, les dépôts des clients du Crédit Agricole, mais risque de créer une nouvelle « crise » bancaire au cœur de l’Europe.
En Europe, une nouvelle étape a été franchie avec le traité de Lisbonne, en octobre 2007. En février 2008, Nicolas Sarkozy, passant outre la volonté populaire qui, en 2005, s’était exprimée par référendum et avait voté « NON » au projet de Traité constitutionnel européen, fait adopter le texte par la voie parlementaire. Un déni de démocratie. Cette politique ultralibérale définie par les différents traités européens consacre à la finance, aux fonds de pensions étrangers et aux organismes financiers le droit « régalien » de prêter aux États les fonds leur permettant de régler, bien souvent, les seuls intérêts de la dette. En effet, la Banque centrale européenne (BCE) a l’interdiction de prêter des fonds directement aux États à un taux d’emprunt avantageux, mais est dans l’obligation de prêter aux organismes financiers à un taux réduit (1 %). Par contre, ceux-ci ont tout loisir de réaliser des marges importantes en fixant des taux beaucoup plus importants lorsqu’ils avancent des fonds aux Etats européens.
Là encore, ce sont les contribuables européens qui sont une fois de plus les dindons de la farce en alimentant de leurs impôts la BCE au seul profit des créateurs de « crises », seuls bénéficiaires. Le président de la BCE, Mario Draghi, ancien et toujours « moine banquier » de Goldman Sachs, encourage les banques à emprunter auprès de la BCE, alors que son niveau d’endettement correspond à celui de Lehman Brothers avant son explosion !
Rien, si ce n’est de payer toujours plus et davantage ! La dette publique est un mécanisme qui alimente honteusement les profits des marchés financiers privés. Le contribuable se voit ainsi infliger la double peine : alimenter le puits sans fond d’une institution européenne favorisant les desseins de la spéculation et payer toujours plus d’impôts pour renflouer les caisses de l’État étranglées par la dette publique. Juge et partie, les fameuses agences de notation veillent à ce que le système perdure en dictant aux gouvernements les coupes claires à réaliser dans les services publics et les régimes sociaux.
La France est le premier emprunteur de la zone euro. La dette publique de la France dans le courant de l’année 2013 s’élevait à 1 901 milliards d’euros, soit 92,7 % du PIB (1 200 milliards d’euros ont été reversés sous forme d’intérêts aux organismes prêteurs depuis 1974 !). La richesse produite par les salariés du pays s’évapore dans d’indécents dividendes versés aux actionnaires ou sur des comptes « offshore », alors que la population française subit dans sa très large majorité l’austérité en voyant s’enfoncer des familles entières, toujours plus nombreuses, dans la pauvreté.
En 2013, la charge de la dette (100 % du PIB) était le premier poste du budget de l’État, devant le budget de l’Éducation nationale. Ces intérêts ne seront pas consacrés à l’investissement ou à l’innovation, mais sont utilisés par la finance pour réaliser de nouvelles opérations spéculatives ou garnir encore davantage les comptes des bénéficiaires de la « crise » dans les paradis fiscaux.
Notre camarade Antoine Peillon a été le premier à dénoncer ce qu’un monde sans droit peut produire de pire pour nos démocraties, avec son livre sur l’évasion fiscale (Ces 600 milliards qui manquent à la France). D’après Xavier Harel (auteur du livre la Grande Evasion : le vrai scandale des paradis fiscaux), entre 20 000 et 30 000 milliards d’euros dorment bien tranquillement dans les paradis fiscaux. Cela représente les trois quarts de la dette mondiale ! Comme par hasard, les grands moralistes – gouvernements successifs, experts, éditorialistes, économistes, etc. – font totalement abstraction dans leurs démonstrations de ce scandaleux système qui continue d’enrichir indécemment une infime minorité. L’ONG Oxam avance, dans son rapport En finir avec les inégalités extrêmes, que les inégalités se sont accrues dans la plupart des pays depuis la crise en 2008 (50 % de la richesse mondiale est détenue par 1 % de la population).
Gabriel Zucman, professeur à la London School of Economics, estime à 350 milliards d’euros le montant des fonds placés par des Français dans les paradis fiscaux. Sur ce total, 300 milliards d’euros ne seraient pas déclarés au fisc français. L’ONG impute notamment l’aggravation des inégalités à la déréglementation financière, aux systèmes fiscaux biaisés, à l’évasion fiscale et au fait que, depuis la fin des années 1970, vingt-neuf des trente pays suivis par l’ONG appliquent un taux d’imposition plus faible pour les tranches les plus riches de la société. Force est de constater que les social-démocraties au pouvoir sont les garantes de ce système.
Les millionnaires (ou High Net Worth Individual [HNWI], personnes possèdant plus de 1 million de dollars disponibles pour investir, étaient, fin 2013, 12,5 millions dans le monde, soit 46 % de plus qu’en 2008, selon le World Wealth Report 2013. La France compte 11 000 nouveaux HNWI (+ 2 %) depuis 2013.
Mélanie Delattre, journaliste au Point, et Emmanuel Lévy, journaliste à Marianne (auteurs d’Un quinquennat à 500 milliards), portent une analyse sur la mandature de Nicolas Sarkozy : les plus connus de ses « amis » (Liliane Bettencourt, Guy Wildenstein, Hubert Martigny ou encore Bernard Tapie) ont bénéficié de l’extrême générosité du chef de l’État de l’époque, qui distribuait sans compter l’argent public aux plus nantis. Bien souvent, le garant des institutions a pris ses aises avec le cadre légal pour mettre en œuvre ces arrangements particuliers.
Mais, plus largement, le bouclier fiscal a encore creusé davantage les inégalités entre les Français au profit de simplement 10 % d’entre eux. Ceux-ci ont bénéficié d’exonérations massives : droits de succession, allègement de l’impôt sur la fortune, abattements supplémentaires d’impôts et de charges sur les heures supplémentaires ainsi que l’augmentation ou la création de nouvelles niches fiscales (exonération des plus-values sur les cessions de titres des entreprises, crédit impôt-recherche, TVA réduite pour les restaurateurs, etc.). Dans le même temps, 90 % des citoyens de notre pays se sont vu imposer de nouvelles taxes pour accroître le patrimoine des plus riches.
La dette de la France a augmenté de 630 milliards en l’espace d’une mandature. Le coût de la « crise » de 2008, prenant en compte les aides aux instituts financiers et aux banques,
s’établit à 109 milliards d’euros.
Il convient de rajouter que Sarkozy et sa politique ont endetté de 520 milliards d’euros les contribuables français en l’espace d’un quinquennat.
De 2007 à 2011, le bilan de la mandature Sarkozy est éloquent :
Cette politique du pire a été rejetée par les Français lors des dernières élections présidentielle et législatives en 2012.
De leur côté, les belles promesses de changement du candidat François Hollande en 2012 se sont évaporées en rase campagne. Le candidat social-démocrate qui tentait avec difficulté de revêtir la couleur rose pâle du socialisme s’assume désormais en président social-libéral appliquant une politique d’austérité semblable à celle de la droite.
Il n’a pas fallu attendre longtemps pour voir la véritable nature du changement. Un traité qui prend « en traître » les électeurs de gauche. Le 9 octobre 2012, le président Hollande signait le traité européen sur la stabilité, sans changer une ligne du précédent projet concocté par le couple franco-allemand Merkel‑Sarkozy. Depuis, salariés et retraités découvrent avec amertume que la politique d’austérité des gouvernements successifs se conjugue sur le même mode : pas de règle pour les uns et « règle d’or » pour les autres !
La signature du traité implique une politique d’austérité qui se résume à une explosion de la fiscalité pour les ménages français, des coupes claires dans les services de l’État et des cadeaux somptueux au seul bénéfice des entreprises sans que celles-ci s’engagent sur la moindre contrepartie.
D’un point de vue économique, le meeting du Bourget du candidat Hollande, prenant pour cible la finance – l’ennemi invisible ! – devait engendrer une réforme de fond pour le système bancaire en séparant de l’activité des banques le dépôt et les fonds spéculatifs. La loi votée en juin 2012 ne change en rien les possibilités offertes au secteur bancaire avant l’arrivée de la nouvelle majorité. Celui-ci peut continuer à œuvrer sans contraintes et à poursuivre la même politique spéculative qui met à feu et à sang l’économie mondiale. Les lobbys de la finance se sont substitués au vote démocratique des Français sur cette question fondamentale.
Concernant les cadeaux somptueux octroyés au Medef, ils se distinguent par les aides financières distribuées par l’État aux entreprises, l’allégement des « charges » patronales sur le fameux critère de « compétitivité » et la casse sans précédent du droit social français. En plus des aides importantes accordées aux entreprises – aides directes, niches fiscales, crédits d’impôts, allègement des « charges » patronales, etc. –, 50 milliards d’euros supplémentaires ont été octroyés aux entreprises en l’espace d’un an et demi alors que le chômage progresse. Le « pacte de responsabilité » souhaité par le gouvernement se heurte à l’intransigeance du Medef et de son président, Pierre Gattaz, qui avait l’indécence d’avancer en janvier 2014 : « L’engagement d’embauche reste un objectif. La création d’un million d’emplois est possible à condition qu’un certain nombre de choses bougent (sic) » et de revendiquer encore plus : « 60 milliards d’impôts et de charges en moins d’ici à 2017 ».
Dans l’esprit du Medef, moins de « charges » et d’impôts, ça se résume à plus d’emplois précaires et à un accroissement des dividendes pour les actionnaires. De ce point de vue, les actionnaires français ont été particulièrement gâtés depuis le début de la « crise ». Marina Alcaraz, journaliste aux Échos, signait un article en février 2014 qui indiquait en substance : « Les dividendes ont progressé de 43 % depuis 2009 dans le monde et le versement de ceux-ci ont dépassé la barre symbolique des 1 000 milliards de dollars selon une étude de Henderson Global Investors. La France, avec 50 milliards de dollars de dividendes en 2013, est le troisième pays dans le monde en termes de dividendes et le premier du Vieux Continent.» Pourtant – et au-delà des aides financières – les lignes ont déjà largement « bougé » pour le patronat avec ce gouvernement :
Les retraites. Deux facettes du pouvoir en place : dans l’opposition, un discours combatif contre la réforme des retraites de Sarkozy ; « aux affaires », une réforme qui fait pire que Sarkozy en repoussant de deux ans l’âge légal de départ en retraite, le gel des pensions, etc.
Les accord nationaux interprofessionnels. Le mécanisme de fond d’une casse sociale sans précédent est en marche. Le Medef revendique de la compétitivité et de la flexibilité. Pour les aider, les « partenaires sociaux » – CFDT, CGC, CFTC – ont déjà répondu à l’attente du Medef en collaborant à l’étonnant recueil Réinventer la croissance. La page de garde donne le ton : « Depuis 2005, les partenaires sociaux se sont engagés dans une démarche de dialogue économique (sic), avec pour objectif de développer un diagnostic commun (sic) sur les forces et faiblesses de l’économie française. Ce travail de réflexion partagée a notamment abouti au rapport Approche de la compétitivité française (sic). »
L’aboutissement d’une telle osmose entre « partenaires sociaux » sur l’analyse économique des entreprises se transpose le 11 janvier 2013 en Accord national interprofessionnel (ANI), qui institue une régression sociale historique pour les salariés : procédures de simplification pour les licenciements, négociation réduite à quelques semaines dans le cadre de plans « sociaux », restriction des recours juridiques par la voie des prud’hommes, précarisation supplémentaire des femmes travaillant à temps partiel, limitation des indemnités de licenciement, diminution des délais de prescription pour les employeurs licenciant abusivement ou frauduleusement… marché de dupes, l’ANI permet également aux employeurs de baisser ou de bloquer les salaires, d’organiser la flexibilité et la mobilité forcées en fonction des « difficultés économiques » rencontrées par l’entreprise.
Il y a fort à parier que, au niveau des entreprises, les élus représentant les organisations syndicales signataires (CFDT, CGC, CFTC), soumis à cette logique dévastatrice du cadre social existant, découvrent avec stupeur les nouvelles règles de négociation entre « partenaires sociaux ».
Ce n’est qu’un début. Les accords régressifs portant sur la formation professionnelle, le financement des organisations syndicales entre l’organisation patronale et la CFDT, ainsi que les mesures privilégiant une attaque sans précédent contre le niveau et la durée de rémunération des chômeurs s’inscrivent dans la droite ligne des « revendications » et du programme souhaité depuis longtemps par le Medef et les organisations patronales satellites.
Cette politique, mise en œuvre par des lois promulguées par un gouvernement qui répond aux souhaits de la finance en faisant perdurer un système inique et qui reprend à son compte le programme politique du Medef, conduit à un reniement des valeurs incarnées autrefois par la gauche.
La ficelle est trop grosse. Lorsque la pilule est trop amère, un petit tour de passe-passe sur une réforme sociétale portée par la gauche afin de faire oublier la continuité avec la politique menée par Sarkozy.
La dernière campagne électorale d’une droite sans scrupules chassant sur les terres du Front national et reprenant à son compte l’essentiel de son programme jette un trouble dans l’opinion. La politique économique présidentielle et gouvernementale actuelle, labellisée sous le signe du « social-libéralisme », est équivalente à celle du précédent gouvernement.
Cette déception pousse les citoyens, en France comme ailleurs en Europe, dans les bras de l’extrême droite, à l’abstention et à la déconsidération de la politique et de ses représentants.
L’information doit-elle, peut-elle être « rentable » comme tout autre produit de consommation ? C’est la question autour de laquelle les éditeurs orientent leurs stratégies d’investissement, au détriment de l’emploi des salariés de l’information. Notre fédération, la Filpac‑CGT, et Info’Com-CGT militent pour une véritable loi sur l’information. Pourquoi ?
L’enjeu du libéralisme : modifier l’information et sa nature. L’image d’Épinal qui consisterait à présenter la presse comme un contre-pouvoir – voire le « quatrième pouvoir » – indispensable à la vie d’une démocratie ne cesse, depuis une quarantaine d’années, de prendre du plomb dans l’aile. Tous les pouvoirs n’ont eu de cesse de mutiler les principes fondamentaux et moraux établis par le Conseil national de la Résistance, visant à conforter la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères.
La question de l’information n’est pas juste une affaire de morale. Il s’agit d’un enjeu stratégique. De l’ORTF, fortement soumis au gouvernement, à l’actuel monopole de l’information exercé par les industriels et les banquiers, l’esprit reste le même : dominer et régner sans partage sur l’information. Or, les principaux médias fonctionnent comme des machines à « fabriquer du consentement » dont le rôle est de convaincre les citoyens-salariés qu’il n’existe aucune alternative au système capitaliste. Ce système générateur de tant d’injustices sociales mais tellement juteux pour une infime minorité de privilégiés ne supporte aucune remise en cause. La variable d’ajustement des excès frauduleux d’une « crise » que nous payons et qui rapporte à ceux qui parient sur l’aggravation de la dette, c’est vous, c’est nous !
Pour cacher cette réalité aux citoyens et aux salariés, seuls véritables contribuables de cette immoralité, des éléments de langage pleuvent dans les « démonstrations expertes » des éditorialistes cumulards de l’info. Ces « nouveaux chiens de garde » (expression tirée du film éponyme de Gilles Balbastre, Les Nouveaux Chiens de garde), embauchés pour valoriser les intérêts de leurs employeurs et de la classe dirigeante, se réfugient sous de merveilleux vocables – démocratie, indépendance, déontologie, moralisation, pluralisme, etc. – dès que leur indépendance est prise en défaut.
À l’évidence, le véritable « quatrième pouvoir », dictant sa loi fondamentale basée sur la rentabilité immédiate aux représentants des trois autres pouvoirs, est détenu par une infime minorité d’acteurs appartenant au monde sulfureux de la finance. Pensez-vous que les fonds de pensions, banques et industriels investissent dans l’information par philanthropie ? Dominer la pensée et la diffuser afin de la rendre unique dessert la démocratie et sert les intérêts d’un pouvoir totalitaire, qu’il soit de nature politique ou financière.
La Filpac‑CGT, ses syndicats, dont Info’Com-CGT, revendiquent une loi sur l’information revenant aux principes fondamentaux d’une démocratie. C’est une urgence afin de lutter efficacement contre la propagande des propriétaires de l’information et de la communication ; afin d’éviter que la finance et les grands propriétaires détériorent notre présent et notre avenir ; c’est une action de salubrité publique. Citoyens, salariés, agissons pour que l’information que nous subventionnons soit libre et indépendante !
Les éditeurs de la presse le prétendent depuis de nombreuses années : la presse est en crise. L’effet conjugué de la baisse des recettes publicitaires et de la diffusion est-il lié à l’arrivée du numérique ou bien à un traitement de l’information de plus en plus insipide et peu original ?
Pour les propriétaires des médias, le formatage de l’information doit devenir la règle. La quasi-totalité des médias est détenue par des industriels et des banquiers qui réalisent pour la plupart des bénéfices colossaux dans le cadre de leurs nombreuses filiales hors médias. Le classement 2012 des 500 plus grandes fortunes de France réalisé par le magazine Challenges démontre que leur richesse a augmentée de près d’un quart en un an (+ 30 milliards d’euros).
Qui retrouve-t-on dans ce top 10 des plus grandes fortunes françaises qui ont vu croître de manière exponentielle leurs profits en seulement douze mois et en pleine « crise » : Bernard Arnault, président du groupe LVMH et propriétaire du groupe Les Échos ; Xavier Niel, président de la société Iliad et actionnaire principal du groupe Le Monde ; Serge Dassault, propriétaire du groupe industriel Marcel Dassault et du groupe Le Figaro ; Vincent Bolloré, président du groupe Bolloré, actionnaire majoritaire du groupe Havas, propriétaire de journaux gratuits et de l’institut de sondage CSA.
La presse est en crise ? À l’évidence, les portefeuilles des propriétaires des grands groupes de l’information et de la communication, eux, se portent magnifiquement bien ! Détenir les médias – surtout en temps de « crise financière » – demeure un investissement rentable et stratégique qui agit quotidiennement sur les consciences des citoyens. Tout va mal pour le peuple de France et celui-ci, aidé par une information libre et indépendante, doit comprendre que la fatalité de la « crise » rime forcément avec mise en œuvre de politiques d’austérité.
Le salarié au sein de son entreprise est confronté à la remise en cause de ses acquis sociaux, aux plans de licenciements… et le même, enfilant sa tenue de citoyen après son travail, doit assumer sa « pleine culpabilité » à vivre au-dessus de ses moyens en revendiquant son attachement à préserver le modèle social français.
Ces tentatives de culpabilisation des salariés ne connaissent pas de frontières professionnelles dans un monde soumis à la seule loi du marché. Les propriétaires de l’information ne se contentent plus aujourd’hui d’influencer les consciences des citoyens. Les barons du CAC 40 imposent aux directions de leurs filiales de l’information et de la communication des règles de gestion équivalentes à celles qui génèrent tant de bénéfices pour la holding : le groupe de presse doit être non seulement influent idéologiquement, mais surtout rentable économiquement.
Obsession des organisations patronales, avec à leur tête le Medef, le « coût du travail » n’est pas une découverte pour les éditeurs des grands groupes de presse. Pendant des années, ils ont donné en pâture les rémunérations du travail des ouvriers du Livre comme le principal frein à la bonne santé économique de la presse (4 000 suppressions d’emplois en dix ans).
Aujourd’hui, ce sont les journalistes et les salariés de la presse qui se retrouvent dans le viseur des directions. Selon ces dernières, ils sont les seuls responsables des difficultés économiques que rencontrent leurs groupes. Formatage et concentration des moyens de production de l’information à l’ère du numérique font redouter le pire si nous ne résistons pas à cette offensive. Le « data journalisme » pourrait bientôt se traduire par une robotisation du travail journalistique. Dans l’esprit des gestionnaires des groupes de presse, les bases de données et les algorithmes se substitueront bientôt à celles et à ceux qui font l’information.
Presse quotidienne, presse hebdomadaire, presse magazine, presse spécialisée, imprimeries, distribution, publicité, affichage, édition, labeur, librairies… Chaque entreprise de nos secteurs se voit confrontée d’une année à l’autre aux plans de licenciements massifs, aux plans de départs volontaires, aux ruptures conventionnelles et aux destructions des avancées sociales acquises par les luttes. Des milliers d’emplois de journalistes, d’ICTAM, d’ouvriers et d’employés sont détruits chaque année dans les entreprises de presse et les agences de publicité. Cette rengaine du patronat sur le « coût du travail » et sur la « compétitivité des entreprises » ne connaîtra jamais de cesse. Le cadre conventionnel des journalistes n’est plus compatible avec la « dure réalité économique » que subit actuellement un groupe de presse, claironnent à l’envi les gestionnaires de ces entreprises. Ce discours récurrent est utilisé indistinctement pour la branche ou au niveau de l’entreprise.
Les bénéfices colossaux réalisés en une année par les propriétaires des groupes d’information et de communication n’empêchent nullement les plans de licenciements (plans de « départs volontaires » ou « licenciements secs ») et les remises en cause permanentes des acquis sociaux. Les éditeurs ont dans leur ligne de mire les conventions collectives des salariés de la presse, et plus particulièrement celle des journalistes. Dans les prochains mois, cette volonté politique des éditeurs risque de dépecer la convention collective des journalistes de ses articles fondamentaux.
Prenant prétexte des nouvelles opportunités qu’offre le numérique, les directions tentent d’imposer la convention collective Syntec comme nouvelle référence conventionnelle de nos professions. Cette volonté politique de mettre à bas le cadre social existant est en marche. Elle a souvent commencé par les filiales « numériques » des groupes.
Cette propagande de la culpabilisation permet aux directions d’imposer cette même politique qui sévit dans tous les autres secteurs d’activité du pays. Le secteur de la presse et les métiers de la profession qui le composent n’échappent pas à cette déferlante qui menace l’emploi de chacun. Il ne s’agit ni d’une évidence ni d’une fatalité si les salariés décident de se mobiliser.
Info’Com-CGT ne se résigne pas et continuera à œuvrer pour rassembler les salariés au sein de chaque entreprise afin de contrer cette politique commune décidée par l’ensemble des organisations patronales de la communication et de l’information.
Journalistes, ICTAM, ouvriers et employés, pour préserver notre avenir, celui de nos secteurs, de nos emplois et de nos titres, il faut réagir, agir ensemble !