Faut-il inclure les temps de pause dans les heures de délégation ?
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Décembre 2008, un important groupe bancaire négocie et signe un accord sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Celui-ci prévoit que l’employeur s’engage, chaque année, à fournir aux représentants du personnel des données sociales faisant apparaître les rémunérations hommes/femmes pour chaque métier-repère.
Avril 2010, estimant que la direction manquait à son obligation de délivrer des informations loyales et pertinentes, un syndicat décide d’aller en justice. Il saisit le tribunal de grande instance afin de faire condamner la banque à communiquer au CE la grille des rémunérations ventilées par métier-repère.
Mais voilà, le CE n’a rien demandé, l’action du syndicat doit en conséquence être déclarée irrecevable. En effet, comme les juges ont pris la peine de le souligner, les documents exigés de l’employeur étaient destinés au CE, lequel n’en sollicitait pas la communication et ne s’était pas associé à la demande du syndicat.
Remarque : il a déjà été jugé qu’un syndicat ne peut pas agir en justice pour demander communication, à son profit, de documents qui auraient dû selon lui être transmis au CE (Cass. soc., 11 sept. 2012, n° 11-22.014). C’est bien l’idée qu’un syndicat ne peut en aucune manière se substituer au comité d’entreprise.
Ici, le syndicat a essayé en vain de se servir de son droit d’agir en justice au titre de la défense de l’intérêt collectif de la profession (C. trav., art. L. 2132-3). Cet article permet au syndicat d’exercer devant toutes les juridictions tous les droits concernant les faits portant un intérêt direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente. Il ne pouvait pas être utilisé pour faire condamner l’employeur à communiquer des informations au CE.
Un temps de pause rémunéré comme du temps de travail effectif en application d’un accord RTT n’a pas à être pris en compte dans le calcul des heures de délégation du représentant du personnel.
Commençons par planter le décor de cette affaire :
En fait, on n’en sait pas tellement plus mais on peut imaginer le raisonnement du représentant du personnel souhaitant poser, par exemple, une journée de délégation. “Si j’avais travaillé, je n’aurai été présent à mon poste que 7 h 20 et j’aurai été rémunéré pour une journée de 8 heures. Donc, comme les heures de délégation sont assimilées à du temps de travail effectif, si je veux prendre une journée de délégation, je ne pose que 7 h 20 et je suis rémunéré pour une journée normale de 8 heures”.
L’employeur n’a pas vu les choses de cette manière. D’où des retenues sur salaires correspondant aux pauses dont le salarié ne bénéficiait plus durant ses heures de délégation. Autrement dit, le salarié a posé 7 h 20 de délégation, il doit être rémunéré pour 7 h 20 et non pour 8 heures.
Les juges vont en fin de compte donner gain de cause à l’employeur, qui s’est intelligemment placé sur le terrain du nombre d’heures de délégation.
Pour la Cour de cassation, si le représentant du personnel ou du syndicat ne doit subir aucune perte de rémunération du fait de l’exercice de son mandat, le nombre d’heures de délégation légalement fixées au profit des salariés investis de mandats représentatifs ne peut être augmenté que par un usage ou un accord collectif. Or, un accord RTT assimilant à un travail effectif la durée des pauses accordées aux salariés en situation de travail n’a pas un tel objet.
En conséquence, le seul fait de bénéficier d’une pause intégralement rémunérée de 20 minutes toutes les 3 h 40 de travail ne voulait pas dire que le représentant du personnel pouvait partir 4 heures en délégation intégralement rémunérées en n’utilisant que 3 h 40 de son crédit d’heures.
Cass. soc. 9 décembre 2014 RG 13.18005