Journalistes : Des moyens humains pour une information de qualité

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Réflexions, analyses et orientations issues de notre 2e congrès. Saisissez ici l’occasion de vous exprimer, de donner votre avis, de témoigner ou de faire part de votre expérience en postant un commentaire en bas de cette page.

 

JOURNALISTES

DES MOYENS HUMAINS
POUR UNE INFORMATION DE QUALITÉ

 

Les journalistes constituent une profession au centre de nombreux enjeux démocratiques, ce qui entraîne plusieurs conséquences : une médiatisation et une politisation centrées autour du rôle du journaliste (indépendance, connivence…), une convention collective nationale unique (même si les grilles de salaires sont négociées par formes de presse ou de médias), des syndicats de métiers défendant fortement la fonction de journaliste, une forte identité corporatiste, ou encore la présence, à côté des syndicats, d’organisations de journalistes (les sociétés de rédacteurs).

Info’Com-CGT considère les journalistes comme une profession spécifique, mais pas comme une catégorie de salariés à part. Les journalistes sont victimes des mêmes logiques économiques et antisociales que les autres salariés. L’unité d’action doit donc rester la règle dans le travail syndical et dans les conflits sociaux.

Selon les chiffres de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP), la presse écrite concernait, en 2012, les deux tiers des journalistes encartés, sur un total de 37 477.

UN JOURNALISTE SUR SIX EST UN PIGISTE, SELON LA CCIJP

Les journalistes se répartissent en plusieurs fonctions qui se repositionnent régulièrement en lien avec les évolutions technologiques (rédacteurs, secrétaires de rédaction, graphistes, photographes, infographistes, iconographes, etc.), au sein d’une organisation où le syndicat estime avoir son mot à dire.

À noter que le métier se féminise fortement (en 2012, on comptait 45,7 % de femmes journalistes encartées pour 54,3 % d’hommes). Mais les femmes, majoritaires chez les jeunes journalistes, sont embauchées de plus en plus sous contrats précaires, et bénéficient rarement de postes de direction. Selon la même enquête, l’écart des revenus entre hommes et femmes en CDI est de 12,2 %. En ce qui concerne l’entrée dans le métier, enfin, le CDI n’est plus la norme depuis longtemps (38,8 % seulement de CDI en 2012 pour les premières demandes de carte).

Dans ce tableau, il est important de prendre en compte la situation des pigistes (un journaliste sur six est un pigiste, selon la CCIJP) qui, tout en bénéficiant juridiquement d’un CDI, sont souvent victimes de stratégies patronales visant à les assimiler à des CDD ou à des prestataires extérieurs, au mépris de la loi Cressard de 1971. En 2012, 30 % des pigistes gagnaient moins de 1 500 euros par mois. L’accord national pigistes de 2008, signé par des syndicats minoritaires, les a enfermés dans leur situation, avec le risque de voir s’éloigner leurs droits à l’application pleine et entière de la convention collective nationale.

Du point de vue social, la régression du niveau de rémunération et des conditions de travail des journa-listes est une réalité depuis vingt ans et, dans beaucoup d’entreprises, un fossé s’est creusé entre les anciens, souvent des hommes, bien placés dans la hiérarchie, bien payés, et les jeunes, catégorie très féminisée, souvent précaires, mal payés, sans évolution professionnelle et soumis à des charges de travail excessives. En 2012, 8,5 % des journalistes en CDI gagnaient moins de 2 000 euros par mois, avec une moyenne d’âge de cinq ans inférieure à la moyenne des journalistes et un niveau de formation supérieur.

Les éditeurs n’hésitent plus à ringardiser les journalistes « seniors », qui ne sont « plus à la page », qui ont des droits « d’une autre époque », et à valoriser ces jeunes journalistes « techno », moins chers et plus « adaptés » aux contraintes de l’information en continu. Info’Com-CGT reste vigilant pour que la volonté des éditeurs d’un salariat à deux niveaux ne devienne pas la norme : d’un côté, les stars (signatures, encadrement, etc.) ; de l’autre, les « petites mains » qui feraient le même travail mais à salaire moindre.

UNE FORTE DÉGRADATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL

Le passage à des postes d’encadrement par évolution interne est tellement difficile que le patronat a mis en place des formations spécifiques permettant de former directement des cadres journa-listes, notamment avec l’école de journalisme de Sciences-Po, sous l’égide notamment de Nicolas Beytout, patron du quotidien de droite L’Opinion.

Pour les journalistes du bas de l’échelle, le non-remplacement des salariés partis à la retraite, en clause de cession ou de conscience, en plans de départs volontaires (PDV) et la charge de travail supplémentaire due au numérique sont à l’origine d’une forte dégradation des conditions de travail ces dernières années.

Aux yeux des éditeurs, l’apport numérique est une simple continuité du travail journalistique. Or, cela se fait souvent au détriment de l’enquête, de la réflexion, pour placer le journaliste dans une notion de production, de flux d’informations, de tempo-ralité. Cette logique produit une automatisation et un forma-tage au détriment du recul nécessaire à un traite-ment de qualité et original de l’information. Pour de nombreux journalistes, le « journalisme » de données (data journalisme) risque d’accentuer cette « robotisation » de l’information en déplaçant le centre névralgique de la rédaction vers le service informatique de l’entreprise de presse. Info’Com-CGT est favorable au développement d’un modèle mixte papier-numérique et revendique des moyens humains supplémentaires et des formations pour toutes les fonctions journalistiques pour réaliser une information de qualité.

En effet, d’une part le support numérique ne constitue pas en soi un modèle économique viable (hormis peut-être quelques pure players comme Médiapart), mais il ne faut pas que le numérique vienne cannibaliser le travail réalisé autrefois à 100 % sur le papier. Il est impossible de faire mieux avec moins : il est donc nécessaire de développer le travail d’enquête et d’investigation, car développer le lectorat suppose une originalité des contenus.

L’ACTION DU SYNDICAT

Notre syndicat s’est beaucoup investi, depuis quatre ans, dans la défense des journalistes, notamment dans quelques entreprises en situation désespérée. À L’Équipe, la présence d’Info’Com-CGT a permis de limiter les dégâts potentiels du plan de départs volontaires et de s’engager dans un accord groupe de Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Une action que nous avons assumée, aussi, au groupe Express-Roularta (GER), avec un accord sur la titularisation de nombreux CDD dans le cadre très délicat d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

Notre syndicat a été très présent et force de propositions lors des conflits de La Tribune et de France-Soir : interpellation du ministère et des groupes parlementaires, proposition d’une charte de l’information, occupation symbolique de l’arc de Triomphe, notamment. Nous avons été en première ligne pour dénoncer les risques pour le pluralisme de l’information économique, dans le premier cas, et la dérive affairiste et démagogique, dans le second cas. Mais nous n’avons pu mener à bout notre combat : les directions de ces titres, avec la complicité des pouvoirs publics, ont tué deux quotidiens nationaux.

Plus positif, une minute de discussion sur le bimédia a été signée en presse quotidienne nationale. Un premier pas qui doit maintenant se concrétiser par un accord permettant d’assurer l’ouverture au numérique dans des conditions sociales et salariales acceptables. Dans de nombreuses entreprises, enfin, notre présence a permis d’obtenir des accords salariaux acceptables pour les journalistes et de négocier des accords de droits d’auteur ambitieux, permettant d’éviter la mutualisation des contenus.

INFO’COM-CGT S’ENGAGE, REVENDIQUE ET DÉCIDE

  • Mettre en place des accords de droits d’auteur de qualité, excluant les dérives constatées au début de l’application de la loi Hadopi (familles cohérentes de presse, notamment).
  • Défendre le statut de journaliste et l’ensemble des fonctions : rédacteurs, secrétaires de rédaction, graphistes, photographes, infographes, iconographes, etc.
  • Définir de nouvelles qualifications pour les salariés travaillant sur plusieurs supports.
  • Mettre en place dans les entreprises de presse écrite des plans de formation afin d’assurer la transition vers le multimédia (internet, radio, vidéo, etc.).
  • Maintenir et développer les droits des pigistes comme journalistes dans le cadre de la convention collective nationale des journalistes : contrat à durée indéterminée, maladie, maternité, accès au comité d’entreprise, etc.
  • Garantir l’indépendance absolue des équipes éditoriales par un droit de veto sur la nomination des responsables éditoriaux.
  • Rechercher en permanence des convergences entre les journalistes et les autres catégories de salariés des entreprises de presse écrite, etc.

 

ET VOUS ? QU’EN PENSEZ-VOUS ?