Une politique sociale toujours en panne à Publihebdos
- Publié le
Alors que Publihebdos tire son épingle du jeu sur le marché de la PHR, que les journaux papier restent malgré tout la locomotive du groupe (80 % du chiffre d’affaires et 72,6 % des revenus publicitaires) et que les recettes numériques, en pleine croissance, rapportent 11,6 millions d’euros en 2021 contre 5,9 en 2019, les salariés sont toujours les parents pauvres de cette réussite. Le simple versement d’une prime de partage de la valeur en octobre 2022 n’efface pas la perte de pouvoir d’achat des salariés accumulée en 2021 et 2022, les augmentations générales des salaires, trop faibles, ne compensant pas le taux d’inflation (6%). Le groupe en avait pourtant les moyens : l’enveloppe de la prime Pepa (prime exceptionnelle de pouvoir d’achat) était de 317 000 euros en 2021 ; la performance économique dépasse les projections budgétaires avec un taux d’exploitation qui s’établit à 8 % contre 7 % inscrit au prévisionnel 2021 et une trésorerie qui s’améliore de 1,2 million d’euros. Sans oublier le versement de dividendes au groupe Sipa Ouest-France, qui s’élève à 1,4 million d’euros en 2021.
La politique sociale est toujours en panne à Publihebdos. La vague de titularisation de 2021 et de 2022 ne sera pas assez puissante pour faire oublier l’érosion des effectifs des années passées. Les journalistes représentent désormais 47 % des effectifs totaux fin 2021 (276), contre 35 % en 2015 (210). Mais à quel prix ? Celui de l’ultra-polyvalence, la précarité, la perte de sens. Le taux de recours aux CDD culmine à 21,5 % chez les journalistes à fin juin 2022. Le désaveu est palpable : le taux de démission atteint 13 % chez les journalistes en cumul sur ces cinq dernières années, et touche particulièrement les plus jeunes, les 20-34 ans. De jeunes journalistes qui commencent leur carrière en bas de l’échelle, avec une rémunération qui évolue peu, même en changeant trois fois de coefficient, jusqu’au fameux plafond de verre du coefficient 441, où sont bloqués plus
de la moitié des journalistes de Publihebdos. Des disparités salariales importantes existent en fonction des zones géographiques : les Bretons sont en moyenne mieux payés que les salariés résidant en région parisienne. Des écarts de traitement existent par ailleurs entre les salariés du groupe, avec des primes sur objectifs et/ou de résultats pratiquées en fonction des zones éditeurs. À quand une harmonisation salariale dans l’entreprise ? De quoi décourager aussi les journalistes les plus expérimentés : la rupture conventionnelle est le deuxième motif de départ de l’entreprise après les retraites. Chez les journalistes, ce taux est de 11 % sur les cinq dernières années, et concerne davantage des salariés qui ont de l’ancienneté.
Chez les employés et les employés PAO, Publihebdos ne compense plus les départs en retraite. Les recrutements sont au point mort. Le nombre de ces salariés ne cesse de chuter : entre 2015 et 2021, la part des employés PAO dans les effectifs totaux passe de 20 % à 15 % ; de 17 % à 14 % pour les employés. Rien n’est fait pour les retenir : le taux moyen de démission chez les employés est de 9 % sur les cinq dernières années… Leur employabilité ne semble pas être la priorité de Publihebdos : les plans de formation les concernent très peu (5 % des formations métier en 2021 leur étaient destinées) ; et quand celles-ci se déroulaient, elles concernaient les nouveaux logiciels de l’entreprise (Alice, Melody, Aloha). Des compétences techniques qui restent incontournables pour pouvoir occuper son poste. L’absence de GEPP (gestion des emplois et des parcours professionnels), demandée à plusieurs reprises par les représentants des salariés, est préjudiciable pour les possibles reconversions des salariés ; alors qu’en parallèle, les journalistes dans les rédactions, toujours plus sollicités par des tâches liées au web, auraient grand besoin d’être soulagés par la création de postes de community managers, de secrétaires de rédaction web, de relecture… À quand des passerelles métiers entre les ateliers et le travail des journalistes sur internet réclamées par les élus du CSE depuis des années déjà ?
Publihebdos, et sa marque Actu.fr, est décrédibilisée. Malgré les nombreuses alertes du CSE, notamment celle pour un risque grave confirmé chez les journalistes d’Actu.fr, en juin 2022, la politique sociale ne change pas. Les salaires sont au rabais et stagnent au fil des années ; les savoir-faire ne sont pas reconnus ; les évolutions de carrières sont difficiles… La politique sociale de Publihebdos est toujours la cinquième roue du carrosse, alors que les salariés demandent à juste titre un peu plus de considération, de reconnaissance, d’accompagnement, un vrai plan de carrière, de meilleures rémunérations pour pouvoir vivre décemment de leur métier.